Les Jeux Olympiques d’hiver permettent aux athlètes de briller. Tous se sont préparés avec pugnacité pour obtenir le graal, cette médaille dont ils rêvent. Si nous applaudissons l’exploit d’un jour, nous devons être conscients qu’il résulte d’un difficile et long entraînement accompli dans la discrétion des centres sportifs. Bravo à ces femmes et ces hommes dont le courage et la persévérance sont remarquables. Ne nous disent-ils pas l’effort que nous devons entreprendre pour devenir des « athlètes de Dieu » (Cf. 1Co 9, 25) ? Au long du temps, certains soutiennent cet effort de régularité spirituelle, d’autres s’y essaient occasionnellement mais beaucoup sont peu attentifs à renouveler la grâce de leur baptême. Aucun homme ne deviendra athlète sans persévérer. Dans la vie spirituelle, personne ne peut s’improviser disciple de Jésus s’il ne s’y engage pas de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, de tout son corps. Je vous entends me dire que je mets la barre un peu haute, et que l’on peut être « un bon chrétien » juste en évitant le mal et en faisant son devoir de catholique le dimanche par la pratique de la messe. Cette exigence est en réalité celle que saint Paul nous enseigne : « car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes » (Eph 6, 12). Le combat spirituel est sérieux. Nous sommes prévenus par la Sainte Écriture. Saint Paul ne veut pas nous distraire de l’essentiel. Lui-même, auteur du plus beau des hymnes sur le véritable amour (Cf. 1Co 13), a vécu ce combat. Il parle d’expérience. Il y a un combat à mener pour aimer. Aussi nous enjoint-il de prendre les bonnes armes : « Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. » (Eph 6, 14-17). Sa comparaison avec le légionnaire romain et son équipement de guerre dit bien l’âpreté de la lutte. Nous connaissons donc les armes du chrétien : il nous appartient d’apprendre à les manier. Chaque dimanche avant la lecture de l’Évangile, ne signons-nous pas notre corps par trois fois pour demander au Saint Esprit que la Bonne Nouvelle éclaire notre intelligence, nos paroles et notre cœur afin que nous l’aimions ? Car « si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole, mon Père l’aimera, nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure » dit Jésus (Jn 14, 23).

Pourquoi vous rappeler cette exigence ? Non pas pour vous apeurer, mais pour qu’ensemble nous soyons prêts pour une nouvelle période d’intense vie spirituelle, dans la fidélité aux commandements de Jésus, par la lecture assidue de l’Évangile, par le partage de quelques ressources financières et aussi par le jeûne dont Jésus dit tout le bien pour obtenir certaines grâces. En effet, ne sommes-nous pas à la veille du carême ? Le mercredi des cendres est le 2 mars. Ce sera un jour de prière, nous recevrons les cendres avec foi, nous jeûnerons. D’ici-là, ne nous privons pas de méditer et de partager au sein de nos groupes, de nos équipes, dans nos foyers avec notre conjoint voire aussi avec nos enfants sur ce temps liturgique qui approche dont nous pourrions user avec grand profit. Les enfants ne manquent pas d’imagination pour aider les personnes en difficulté. Vers qui orienter notre aide, offrir notre présence, faire nos dons ou envoyer nos messages et effectuer nos visites ? Ne peut-on pas préparer notre maison et en faire une véritable « église domestique » en la nettoyant et en y installant un espace de prière ? Pourquoi ne pas créer – les enfants aiment tellement cela – un chemin pascal là où la crèche était disposée ? Cela peut se faire en fabriquant un Golgotha, puis l’escalier par lequel Jésus passera, y mettre divers lieux rappelant les rencontres de Jésus et des disciples, etc. N’est-ce pas le moment de choisir le bon livre spirituel qui nous accompagnera ? Peut-on commencer à méditer quotidiennement les textes de la messe du jour, voire aller à la messe en semaine si cela est pratiquement possible ? Il y aura encore ces merveilleux parcours de carême sur le web, celui des Dominicains par exemple. Ne peut-on pas organiser avec des amis éloignés géographiquement un groupe WhatsApp ou Zoom pour un rendez-vous de prière et de partage chaque semaine ? Il est bien temps de réfléchir à ce que pourrait être notre carême, mais le temps presse désormais, et c’est une belle occasion à ne pas manquer pour notre joie spirituelle.

Maintenant certains d’entre vous penserons que la vie les éprouve et cet effort de carême les dépasse. Il est vrai que l’amour suffit. Saint Augustin ne disait-il pas « aime et fais ce que tu veux » ? Certes, mais aimons-nous vraiment et toujours ? Tout effort spirituel est demandé non pas pour lui-même mais en vue de notre union à Jésus-Christ qui nous attire à lui. Le sacrifice parfait, Jésus l’a réalisé pour notre salut. Nous nous unissons à son sacrifice par nos sacrifices, c’est-à-dire ces actes d’amour, petits ou grands, discrets et gratuits, chastes et généreux. La nouvelle traduction du missel en français nous redonne un mot inusité en langage courant : l’oblation. Le texte dit « regarde Seigneur l’oblation de ton Église, et daigne y reconnaître ton Fils, qui, selon ta volonté, s’est offert en sacrifice pour nous réconcilier avec toi » (Prière eucharistique III). C’est donc bien Jésus qui réalise le sacrifice qui nous rachète. En nous unissant à lui, nous qui sommes son corps, l’Église, nous participons en apportant notre oblation, c’est-à-dire notre offrande faite à Dieu. Notre oblation est plus qu’une offrande matérielle, comme on pourrait faire un cadeau à un ami, c’est le don de soi en vue d’être associés au sacrifice eucharistique. Nous ne pouvons pas prétendre offrir ce que Jésus offre car Lui, qui est de condition divine, offre sa propre vie sur la Croix. Mais nous, ses fidèles, ensemble comme peuple de Dieu, participons réellement à son sacrifice par notre oblation. Saint Paul ose dire « ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église » (Col 1, 24). Que de maux n’a-t-il pas souffert ? Aussi Paul nous invite-t-il à offrir nos vies « en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu » (Rm 12, 1). En cultivant notre vie spirituelle durant ce carême, en méditant la passion de Jésus notamment par le chemin de croix chaque vendredi de carême, nous entrerons dans la profondeur du sacrifice de Jésus et notre oblation se fera plus juste et vraie. « Regarde ces offrandes avec amour et dans ta bienveillance, accepte-les » (Prière eucharistique I). Pauvres et pécheurs, nous nous tournons vers la miséricorde de Dieu pour que soit reçue notre prière « portée par les mains de ton saint Ange en présence de ta Gloire, sur ton autel céleste » (Prière eucharistique I). Dieu ne nous doit rien et nous lui devons notre vie. Durant la messe, les rubriques du missel invitent les fidèles à se mettre à genoux durant la consécration pour mieux adorer sa divine présence et faire l’humble expérience de notre finitude face à sa grandeur, en action de grâce pour ce qui s’opère alors, notre salut. Durant ce carême, cultivons notre attachement filial au Seigneur, joyeusement et fidèlement, ainsi serons-nous témoins d’un art de vivre chrétien dans notre société profane oublieuse de ses racines chrétiennes. Nous verrons alors des cœurs désireux du doux visage de Jésus. Nous serons disposés à les accueillir pour qu’ils découvrent la source de la vie et de l’espérance.

Pour conclure ce nouveau message, il est possible d’envisager le thème que j’ai présenté ci-dessus lors de vos partages en équipes dans l’esprit du « synode sur le synode », par exemple en nous demandant : comment l’Esprit Saint nous invite-t-il au sein de notre paroisse à devenir toujours plus une vraie communauté priante, aimante et responsable de son destin, pour qu’elle témoigne de l’amour de Dieu ? Quelle parole biblique peut éclairer un tel questionnement ? C’est à vous, fidèles laïcs, d’imaginer les chemins nouveaux pour que chacun prenne conscience de son appartenance à sa communauté d’Église dont il est réellement responsable, pour la joie commune et pour l’annonce de l’Évangile.

Prions le saint Esprit de Dieu, invoquons sa puissance d’amour, demandons-lui la consolation pour ceux et celles qui souffrent. Je vous demande de prier en particulier pour nos prêtres les plus âgés, proches de la rencontre de leur Seigneur dont ils furent les serviteurs par leur sacerdoce.

Reprenons les paroles de ce chant qui invoque le Saint Esprit, qu’elles viennent soutenir notre élan de foi :

Viens, souffle de Dieu, viens !
Viens, hôte très doux.
Viens, souffle de Dieu, viens
Sonde-nous, scrute-nous.

Éclaire-nous, Esprit de Dieu
Que brille la vérité.
Inonde-nous de ta clarté,
Viens nous transformer.
Esprit de Dieu, viens en nos cœurs !
Esprit de Dieu, viens en nos cœurs !

+ Mgr Philippe Christory