Une question au commencement du Carême : Pourquoi est-il bon de se priver de quelque chose, d’une chose qui pourrait être bonne pour notre vie ? Pourquoi devrions-nous retrancher quelque chose de notre confort, de nos habitudes qui ne sont pas mauvaises en elles- mêmes ? Pourquoi un acte négatif pourrait-il entraîner une conséquence positive ? La question se pose parce que, aujourd’hui, la privation n’a pas bonne presse. Le sacrifice est regardé avec méfiance.

Pourtant, le sacrifice est au cœur de l’expérience biblique : Jésus a pratiqué le jeûne au début de sa vie publique, au cours de son séjour au désert. Il le fait avant d’annoncer son œuvre de salut.

Le jeûne est d’abord une rupture : rupture avec le cours ordinaire des choses, ou, plus exactement, rupture avec un ordre du monde dans lequel nous sommes embarqués qu’on le veuille ou non. Saint Jean Chrysostome le rappelle : « le jeûne délie nos chaînes d’esclave », car si le monde n’est pas en lui-même une prison, le péché des origines, et notre péché, nous ont rendus prisonniers. Redevenir maîtres de nous-mêmes, tel est le sens du jeûne, avant de nous rendre disponible à Dieu. Le jeûne n’est donc pas de l’ordre de la destruction, mais de la re-création.

Le jeûne est donc un moyen : un grand secours pour rompre avec le péché et tout ce qui conduit à lui. Jeûner pour rétablir l’union à Dieu, voilà le principe. Jeûner pour rétablir la relation vraie aux autres hommes, telle que Dieu l’avait voulue dans sa miséricorde.

Saint Pierre Chrysologue le constate : « Le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Donc, celui qui prie doit jeûner : celui qui jeûne doit avoir pitié ; qu’il écoute l’homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d’entendre lorsqu’on le supplie ».

Les Pères de l’Église insistent sur la force du jeûne, capable de mettre un frein au péché, de réprimer les désirs du ‘vieil Adam’ et, par-là, d’ouvrir dans le cœur du croyant un chemin vers Dieu et ses frères.

Voilà le sens du carême et du jeûne auquel l’Église nous invite pendant ces 40 jours.

Saint Carême !

Abbé François Muchery, curé