La semaine est riche de belles célébrations que nous vivons avec les fidèles dans chaque paroisse. Mais la beauté de ces jours saints ne nous fait pas oublier la pandémie, qui sature les hôpitaux, avec plus de 5 000 personnes en réanimation en Eure & Loir, et la mort qui endeuille tant de familles. Pourtant, nos célébrations se déroulent avec sérieux, chacun est habitué à venir masqué, à utiliser le gel, à garder la juste distance, à se saluer avec cœur et distance, à laisser des chaises vides. La grâce divine ne supprime pas la nature et celle-ci a ses faiblesses qui peuvent devenir la faille par laquelle ce virus nous atteindrait. Prudence et retenue sont de rigueur dans nos rencontres personnelles et ecclésiales. La vie continue néanmoins pour que l’annonce du Royaume de Dieu et de l’Évangile du Salut soit accomplie. Nous portons, dans ce climat difficile et douloureux, la joie et l’émerveillement du Mystère de la foi, Jésus est mort et ressuscité pour nous racheter du péché et pour que nous vivions de sa vie pour l’éternité. N’est-ce pas extraordinaire et digne de susciter en nous une joie véritable ?
Ce vendredi, alors que ce message vous parvient, nous vivons le second jour du Triduum pascal – littéralement « période de trois jours » – commencé hier par la Sainte Cène. Celle-ci nous disait que « Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : Prenez, mangez : ceci est mon corps. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Mt 26,26-28) Saint Jean nous dévoile l’autre geste de Jésus : « Jésus se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. » (Jn 13, 4-5). Communier au corps et au sang du Christ est lié intimement au geste du service du frère, jusqu’à s’abaisser tel l’esclave pour répondre à son attente. La vie chrétienne ne consiste pas dans la recherche de l’humiliation mais dans celle de l’abaissement, à l’imitation de Jésus qui « de condition divine » (Ph 2,6) s’abaisse pour se faire homme. Pour le pape François, c’est la figure du bon samaritain qui rappelle l’urgence de la consolation et de l’entraide envers les personnes souffrantes que nous croisons. C’est bien Jésus que le chrétien voit dans le pauvre blessé. La communion eucharistique instituée par Jésus et commémorée lors de la Sainte Cène est un envoi prophétique pour plus d’amour en notre société.
Ce vendredi les paroisses proposent un chemin de croix. Saviez-vous que ce chemin douloureux qui nous invite à accompagner Jésus, à contempler sa souffrance, à méditer sur l’injustice des hommes, la violence des gardes, la condamnation de l’innocent, la mort du Fils de Dieu, serait une création de saint François d’Assise ? Le même saint qui inventa la crèche vivante pour aider les fidèles à mieux comprendre la vérité, la réalité de l’incarnation. En réalité ce sont les franciscains installés à Jérusalem pour la garde des lieux saints, dès le XIIIe siècle, qui développèrent ce rite, en multipliant les stations, la plupart issues du texte biblique, d’autres inventées par compassion pour Jésus, comme la présence de Véronique essuyant son visage avec son voile sur lequel s’imprima la sainte Face. C’est un jour propice pour nous confesser et jeûner en pénitence. Le soir du vendredi saint, c’est l’office de la passion avec la lecture de la passion dans l’Évangile selon saint Jean, la grande prière d’intercession pour le monde, la vénération de la croix. C’est une liturgie grave et sobre qui rappelle que le Christ est mort et que son corps repose dans un tombeau fermé par une lourde pierre. Le samedi saint, le troisième jour du triduum, c’est « le grand silence ». Pas de messe, ni de musique. Nous jeûnons pour accompagner les catéchumènes bientôt baptisés. Normalement, pour la tradition hébraïque, un jour nouveau commence avec le crépuscule de la veille. La grande Vigile pascale se déroule donc durant la soirée du samedi, mais cette année, à cause du couvre-feu, soit elle est avancée dans l’après-midi, soit elle sera célébrée au petit matin du dimanche comme ce sera le cas à la cathédrale de Chartres (6h30). Là cependant le choix est fait d’entendre le samedi à 17h la lecture de tous les grands textes de l’Ancien Testament jusqu’à l’Évangile. Deux moments donc pour vivre l’intégralité du rite et la joie des baptêmes et des confirmations des adultes. Enfin, le dimanche de Pâques, les cloches pourront battre à pleine volée (quand cela fonctionne, malheureusement pas en notre cathédrale pour le moment !) pour annoncer la résurrection. Chacun pourra organiser une chasse aux œufs pour la joie des enfants et des adultes. Et cette joie sera prolongée huit jours durant par l’octave pascal.
Pour la suite de ces messages durant le temps pascal jusqu’à la Pentecôte, je compte prendre comme guide l’exhortation apostolique du pape François Amoris Lætitia, puisque nous avons commencé à sa demande une année avec ce thème (19 mars 2021-26 juin 2022). La joie de l’Amour me semble merveilleusement éclairante pour une vie de chrétiens ressuscités. Je pense que vous serez d’accord. Pourquoi notre saint Père a-t-il voulu nous y encourager cinq ans après la parution du texte ? Celui-ci commence par « la joie de l’amour qui est vécue dans les familles est aussi la joie de l’Église. Comme l’ont indiqué les Pères synodaux, malgré les nombreux signes de crise du mariage, « le désir de famille reste vif, spécialement chez les jeunes, et motive l’Église ». Comme réponse à cette aspiration, « l’annonce chrétienne qui concerne la famille est vraiment une bonne nouvelle ». (AL 1) François désire aider les familles chrétiennes à devenir « le ferment d’une nouvelle humanité et d’une solidarité concrète et universelle. » C’est la sainte Famille de Nazareth qui est choisie comme modèle et source d’inspiration pour ce cheminement. Elle exprime l’amour tendre et profond entre saint Joseph et la sainte Vierge Marie. Mais sont-ils encore un modèle pour la famille du XXIe siècle ? Notre époque est marquée, il est vrai, par ce que certains appellent le délitement de la famille avec tant de séparations de couples. Les situations familiales se multiplient : monoparentales, personnes de même sexe, polygamie, concubinage, pacs. J’espère toujours, par désir du bien de chacun, que les personnes vivant cela sont heureuses. Mais j’entends aussi les souffrances consécutives à l’amour blessant, aux divorces, aux violences conjugales, au sentiment d’abandon des enfants lors de l’éloignement d’un des parents, à l’éclatement de la parentalité par les fécondations in vitro et les dons anonymes de gamètes, à la parentalité sans papa, à la gestation pour autrui qui prive l’enfant de sa maman génitrice dès qu’il paraît, etc. Heureusement, et le pape nous en parlera avec bonheur, la famille reste la valeur la plus plébiscitée, désirée par la plupart des jeunes gens, elle est l’espace de l’amour, des retrouvailles, de la continuité, de la sécurité et de la vie normale. Notre Église ne veut pas défendre une vision que d’aucun qualifie d’archaïque parce que traditionnelle dans notre culture française, mais porte une espérance que l’engagement pour fonder un foyer est merveilleux, exigeant, difficile et courageux. Il apporte la lumière de l’amour partagé et de la vie transmise. Dans notre diocèse, Marie et Basile Hodara ont reçu mission de déployer notre pastorale conjugale et familiale porteuse. Ils seront désireux de vous entendre sur les thématiques à approfondir, les moyens à nous donner, les rencontres à favoriser, etc. Écrivez-leur bien volontiers sur famille@diocesechartres.fr
En ce Triduum, la Vierge Marie est présente au sein de l’Église qui prie Jésus-Christ pour recevoir de lui la Vie et transformer notre société en un espace d’amour et de bienveillance. Nous continuons à la prier pour recevoir des vocations sacerdotales. Ne nous lassons pas de le faire, le chapelet à la main.
Vierge Marie,
Mère du Christ Prêtre,
Mère des prêtres du monde entier,
Vous aimez tout particulièrement les prêtres,
Parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils unique.
Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre,
Et vous l’aidez encore dans le ciel.
Nous vous en supplions, priez pour les prêtres,
Priez le père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson.
Priez pour que nous ayons toujours des prêtres,
Qui nous donnent les sacrements,
Nous expliquent l’Évangile du Christ,
Et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.
Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père,
Les prêtres dont nous avons tant besoin,
Et puisque votre cœur a tout pouvoir sur lui,
Obtenez-nous, ô Marie,
Des prêtres qui soient des saints.
Amen.
+ Mgr Philippe Christory