C’est l’été dans trois jours. Déjà un beau soleil illumine nos jardins. Ce dimanche la pluie tombera peut-être mais n’est-elle pas un bienfait pour la nature ? Réjouissons-nous des premières communions, des professions de foi, des confirmations, des baptêmes et des mariages célébrés en ces jours. Le dimanche 4 juillet à 11h, Clément Pierson sera ordonné diacre en vue du sacerdoce en la cathédrale. Grande joie pour l’évêque que je suis et pour vous tous, je n’en doute pas.
Suite à la pandémie, de nombreuses personnes ont fait le choix de s’installer dans nos villages, en Eure et Loir certes, mais partout en France où il fait bon vivre. Il est vrai que ce choix est celui de ceux qui ont les moyens financiers car les prix ont augmenté. Vivant maintenant à l’ombre des tours de la cathédrale, m’y promenant le soir au déclin du jour, je comprends que cela soit attirant. On pourrait envisager en effet un nouvel art de vivre, plus relié à la nature, une vie qui prend son temps, ouverte sur l’émerveillement. Notre époque nous pousse pourtant souvent à l’immédiateté. Nous sommes devenus impatients et voulons les choses vite. Trop vite. Les médecins par exemple constatent que les patients exigent un résultat rapide et demandent que les soins prodigués fassent effet immédiatement. La patience a-t-elle donc disparu ? Or la vie prend son temps au rythme des saisons. L’enfant qui joue se prépare à aborder des matières plus sérieuses plus tard. Le Christ a pris trois années pour éveiller ses apôtres à une vie nouvelle. Il faut huit années pour se préparer à être prêtre. Retrouver le temps des saisons, laisser de la place au silence, s’offrir des échanges gratuits entre époux et avec ses enfants, appeler un ami pour prendre des nouvelles, flâner et lever les yeux pour découvrir l’objet insolite, lézarder au soleil sur l’herbe d’un parc, laisser du temps au temps. N’est-ce pas sage ? Ne serait-ce pas là la source de ces petits bonheurs qui illuminent la vie ?
C’est cela que le pape sous-entend lorsqu’il dit que « le temps est supérieur à l’espace. » Dans la vie amoureuse, dans la fondation d’un couple, la patience est une vertu ô combien nécessaire. Le sacrement du mariage illumine une relation humaine qui doit trouver ses modalités d’échange. Deux époux témoignaient de leur rendez-vous matinal quotidien autour du thé ; ils lisent ensemble un passage biblique et prient, puis chacun partage ses idées et ses joies, exprime ses désirs et ses remerciements. Autour de ce moment s’est construite leur « église domestique » et leur communion. Un autre couple me disait qu’une soirée hebdomadaire était réservée depuis leur mariage à une sortie à la pizzéria où leur table était mise pour se parler en profondeur, cela depuis des décennies. Là leur communication conjugale avait pris une profonde densité.
Malheureusement, comme l’écrit notre pape François, beaucoup de couples se séparent parmi ceux qui sont mariés religieusement. L’équilibre conjugal est fragilisé par une société sans repères et pour certains sans père. Le saint Père note que le degré de responsabilité n’est pas le même selon les situations et les personnes. Des personnes voient leur conjoint quitter la maison sans prévenir. D’autres refusent l’aide qui est disponible et s’enferment dans un mutisme qui déconstruit la relation. La violence peut advenir jusqu’à la confrontation et parfois même le crime. Les enfants souffrent toujours même s’ils s’organisent avec la vie imposée par la rupture des parents. Comment prévenir ces drames ? C’est la question pastorale qui nous habite. Comment accompagner les couples vers le mariage et quelle sera la suite ? Mais aussi comment proposer aux adolescents dès 14 ans une découverte du mariage pour qu’ils aient des repères en vue d’un mariage que certains disent désirer dans leurs lettres de confirmation ? Comment les aider à se réserver pour un bel amour et ne pas succomber aux amourettes sans avenir mais si blessantes du collège ou du lycée ?
Quand il y a une nouvelle union après un divorce, le pape demande un accueil véritable de la part de nos communautés chrétiennes. Il propose un cheminement soutenu par l’écoute et le service vécu ensemble. « Il s’agit d’intégrer tout le monde… pour que chacun se sente l’objet d’une miséricorde imméritée, inconditionnelle et gratuite. » Les pères du Synode sur la famille ont atteint un consensus dit le saint Père : « Dans l’optique d’une approche pastorale envers les personnes qui ont contracté un mariage civil, qui sont divorcées et remariées, ou qui vivent simplement en concubinage, il revient à l’Église de leur révéler la divine pédagogie de la grâce dans leurs vies et de les aider à parvenir à la plénitude du plan de Dieu sur eux, toujours possible avec la force de l’Esprit Saint. » (n°297) C’est ainsi qu’il est possible de vivre en situation dite irrégulière et être en état de grâce, car la grâce c’est l’œuvre de l’Esprit Saint dans un cœur qui se laisse transfigurer par la Parole, en la mettant en pratique autant que possible dans l’état où la personne vit. Les pasteurs et les laïcs qui accompagnent ces personnes doivent discerner avec soin ce qui est bon et fécond, avec ce qui peut être ôté pour rechercher un plus grand ajustement à la volonté divine, même lorsque la situation conjugale ne peut être changée. Membres vivants de l’Église, ces couples en nouvelle union pourront apporter leur expérience pour aider des fiancés à s’engager avec sérieux vers le mariage, ils seront témoins par leur présence humble de la foi mise en Dieu qui ne s’éloigne pas d’eux, ils encourageront les autres chrétiens à se fier à l’Église dont le Christ est la tête pour vivre de la Parole. Ils connaissent parfois mieux que d’autres la souffrance de la séparation. Le pape propose des balises pour avancer : « Dans ce processus, il sera utile de faire un examen de conscience, grâce à des moments de réflexion et de repentir. Les divorcés remariés devraient se demander comment ils se sont comportés envers leurs enfants quand l’union conjugale est entrée en crise ; s’il y a eu des tentatives de réconciliation ; quelle est la situation du partenaire abandonné ; quelles conséquences a la nouvelle relation sur le reste de la famille et sur la communauté des fidèles ; quel exemple elle offre aux jeunes qui doivent se préparer au mariage. » (n°300). Il ajoute : « Ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. Pour qu’il en soit ainsi, il faut garantir les conditions nécessaires d’humilité, de discrétion, d’amour de l’Église et de son enseignement, dans la recherche sincère de la volonté de Dieu et avec le désir de parvenir à y répondre de façon plus parfaite ».
Ici nous lisons sous la plume du saint Père que les situations de vie sont fort différentes, et bien qu’irrégulières, il y a des circonstances atténuantes, des limites, des conditions concrètes qui empêchent d’agir différemment. La responsabilité de nos actes varie en fonction de facteurs sociaux ou psychiques, parfois indépendants de soi. Aussi les pasteurs et les laïcs accompagnateurs de ces personnes sont appelés à un discernement pastoral encourageant une maturation progressive à la lumière de l’Évangile. Cette attitude apporte espérance et désir de se soumettre à la loi divine même si le chemin est lent à parcourir. Ces fidèles ne sont pas privés de la grâce sanctifiante, celle qui les soutient pour s’accorder dans leur relation à Dieu. Relisant saint Thomas d’Aquin, le pape affirme que « les normes présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières. » (n°304). La loi naturelle n’est pas un ensemble de règles morales mais « une source d’inspiration ». Tout ce contenu peut apparaître ardu mais il est heureux de voir comment le pape est conscient que chaque situation diffère et que tous sont appelés à marcher dans l’Église à la suite du Christ. Dans une situation objective de péché, dit encore le pape, « il est possible que l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. » (n°305). Cela est merveilleux, car chacun peut choisir de s’unir plus à Jésus et vivre dans sa lumière. Rappelons l’enseignement de saint Jean de la Croix « au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. » Toute œuvre de charité éteint la flamme du péché. Cela se nomme la via caritatis, la voie de la charité fraternelle.
Au terme de son propos, le pape insiste sur l’urgence d’une pastorale empreinte d’amour et de compassion, face aux échecs pour soutenir la vie des couples engagés dans une union sacramentelle et prévenir ainsi les ruptures. Cela signifie que les couples demeureront ensemble avec l’aide de bons amis, d’experts en vie conjugale, dans l’Église où ils trouveront l’écoute, le pardon et la force des sacrements. Chaque vie présente des fragilités que nous masquons parfois par orgueil. Pourtant, dans ces failles, la lumière de l’Esprit peut opérer de grandes choses. Il faut beaucoup d’humilité pour se faire aider. Ô combien cela est précieux, témoignent les couples qui sont ainsi renouvelés. La pastorale des fiançailles, la préparation au mariage et le suivi des jeunes couples ont comme but l’union au Christ, qui rapproche les conjoints. Dans nos paroisses, soyons innovants pour proposer des moments de partage et de prière, des retraites spirituelles, autant d’étapes nécessaires sur le chemin de la foi. Dans notre diocèse, une journée a rassemblé quarante époux et épouses pour commencer un réseau d’entraide et de formation à la vie conjugale. Un couple envoya un message disant « Mille mercis pour cette superbe journée, bien trop courte pour tout ce qu’on aurait aimé apprendre et partager. Un grand merci tant cela éclaire nos convictions et donne des mots à ce qui nous habite. Nous repartons motivés, enthousiastes : remplis du feu de l’esprit en fait ! »
Pour ce projet, si vous êtes en couple, devenez un « couple-missionnaire » et faites-vous connaître. Marie et Basile, responsable de la mission auprès des couples et des familles vous contacteront.
Prions ce jour encore la vierge Marie pour tous les jeunes gens qui choisissent de se marier et les couples qui fondent leur communion dans la foi en Jésus-Christ :
« Sainte Marie, Mère de Dieu,
gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.
Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.
Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.
Un cœur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.
Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.
Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse.
Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ, blessé de son amour
et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.
Amen »
+ Mgr Philippe Christory