Pour cette nouvelle année, vous m’avez adressé vos vœux et je vous en remercie. Combien de belles cartes, de tous styles, m’ont apporté ces paroles qui réchauffent le cœur. Pour que ces vœux porteurs d’espoir se réalisent, ces paroles devront prendre chair par des actes concrets de service voire politique quand il s’agit des instances de la nation, mais encore fraternels au sein de nos mouvements et associations catholiques. Par exemple, si nous souhaitons la paix, alors cela implique que chacun fasse la paix avec ceux qui vivent à côté de lui. Nous désirons la joie, ce qui nécessite que je m’engage par des actes qui apporteront la joie autour de moi. Moi-même, j’ai écrit de nombreux messages en ce sens, je vous ai promis de prier pour vous, j’ai souhaité la communion au sein de l’Église : mes paroles doivent être suivies d’actes. L’Église est une communauté qui a besoin des efforts de tous pour devenir ce qu’elle est profondément, un corps, le Corps du Christ, une famille composée d’individus divers unis par le même baptême, bénéficiant de la vie divine. Après une année difficile, où nous fûmes choqués par les révélations du rapport Sauvé, nous regardons en avant. Saint Paul écrit en ce sens aux chrétiens de Philippes, une ville grecque où une petite communauté ecclésiale s’est fondée grâce à sa prédication : « une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. Nous tous qui sommes adultes dans la foi, nous devons avoir ces dispositions-là ; et, si vous en avez d’autres, là-dessus encore Dieu vous éclairera. En tout cas, du point où nous sommes arrivés, marchons dans la même direction. » (Ph 3, 14-16). Saint Paul a subi des revers, il a souffert du rejet et nous le voyons confiant, motivant ses lecteurs. Le but qu’il recherche est le Royaume de Dieu déjà présent en Jésus qui nous promet la vie éternelle. Qu’est-ce qui pourrait avoir plus de valeur et de sens que l’éternité ? Pourtant tant d’êtres humains recherchent des consolations mondaines et se concentrent sur l’acquisition de biens souvent onéreux mais sans valeur. Paul nous propose de marcher dans la même direction, ce qui veut dire rechercher la communion qui a bien plus de prix que nos affects et nos goûts personnels notamment liturgiques. La liturgie est un moyen pour glorifier le Seigneur, mais elle n’est pas le but de la vie chrétienne puisque celui que nous cherchons c’est le Christ lui-même et sa miséricorde. Le rechercher en tout temps, voici ce qui doit nous occuper. Quelle force intérieure lorsque l’on peut dire à l’instar du violoncelliste Renaud Capuçon « je doute de moi souvent, mais je n’ai jamais douté une seconde de la présence de Dieu dans ma vie et dans le monde. » (Art. l’Invisible n°132, janvier 22)

Peut-être êtes-vous encore en train de déguster une galette des rois ? Dimanche dernier nous fêtions l’épiphanie même si la date souvent retenue est le 6 janvier, ce mot signifiant la manifestation en l’occurrence de Dieu en Jésus nouveau-né que contemplent les trois mages venus d’Orient, attirés par une étoile observée dans sa singularité et qui les a orientés vers Bethléem. Ils apportèrent leur présent : « l’or est offert au Roi, l’encens au vrai Dieu et la myrrhe pour sa sépulture » (Antienne aux laudes du 3 janvier). Parmi les moutons et les bêtes, dans une atmosphère chargée de l’odeur du suint de la laine, ces grands personnages se prosternent devant une jeune mère allaitant son nourrisson sous le regard protecteur du père. Ils représentent les nations à qui sera destinée trente années plus tard la prédication de Jésus. C’est donc le temps des galettes. Mais pourquoi insister sur cette tarte à la frangipane ou aux fruits confits ? Car pour la grande majorité de nos contemporains, l’épiphanie si l’on croit que ce mot leur est connu, c’est la galette. La galette que les supermarchés ont mise en tête de gondoles, ou que nos pâtissiers ont pris soin de confectionner. Alors dans beaucoup de familles, surtout pour faire plaisir aux enfants, on mange une galette et l’on espère trouver la fève, Mickey ou Buzz l’éclair pour être couronné roi ou reine. Quant au lien avec Jésus, tous ou presque l’ignorent. Qu’en penser ? C’est une réalité qui doit nous interroger en ce début d’année au sein de nos paroisses. Qu’y faisons-nous et pourquoi ? Qu’est-ce qu’être chrétien en 2022 ? Nos paroisses ont besoin d’une conversion missionnaire, dit le pape François. Le synode sur la synodalité est une chance. Mais attention car nous pourrions y voir un appel à réorganiser la gouvernance, surtout sur fond de scandale des abus pour se dire que la solution est de revoir la gestion et la répartition des pouvoirs. À quoi servirait une nouvelle organisation pour ces personnes qui mangent une galette tout en ignorant la foi chrétienne ? Elles n’attendent rien de nous, comme me le disait un de nos députés quand je suis arrivé comme jeune évêque « je n’attends rien de l’Église ». Cela est choquant lui ai-je répondu, surtout lorsque nous avons plus de 11 000 élèves dans les établissements catholiques. Mais en réalité, je comprends mieux ce qu’il me disait. Les hommes et les femmes de notre époque n’attendent rien de l’Église car ils ne la voient plus. Ils n’espèrent pas le Christ car ils l’ignorent. Ils ne viennent pas à nos rencontres car ils ne savent pas ce qui s’y vit et ne savent pas qu’elles existent. Et nous, catholiques, pensons-nous que nous allons continuer notre vie paroissiale telle qu’elle sans devoir nous remettre en question ?

Le temps est à la conversion pastorale et nous devons demander, en lisant ensemble la Parole de Dieu et en invoquant le Saint Esprit : « Seigneur Jésus, que devons-nous faire ? » Nous voulons supplier l’Esprit de nous éclairer. Quel est le cœur de notre vie en Église ? Pourquoi le Seigneur nous a mis ensemble ? Sommes-nous en vérité tendus vers ce but ? Quelle est la vision que nous portons au sein de nos équipes pastorales ? Cela n’entraîne-t-il pas le déplacement de nos habitudes pour regarder en face nos lourdeurs, pour aller vers les gens afin de les rencontrer, de les écouter et leur parler ? N’attendons pas qu’ils viennent à l’église car ils ne le feront pas. Beaucoup ne savent plus où est l’église. Ils passent devant la façade comme nous-mêmes passons devant un théâtre sans même nous intéresser au programme. Si nous sommes saisis par l’amour du Christ, si nous sommes prêts à courir en son nom comme saint Paul, si notre vie est différente de celle des autres car notre richesse c’est le Seigneur, si notre désir c’est sa Gloire pour vivre avec lui, alors peut-être que nos contemporains écouteront l’annonce de l’évangile que nous ferons, peut-être accepteront-ils de se joindre à une soirée Alpha, peut-être nous demanderont-ils de leur rendre compte de la foi qui nous habite, peut-être inscriront-ils leurs enfants au catéchisme. La porte qui peut ouvrir la relation c’est l’amour que nous aurons pour eux, le regard de bienveillance, le soin que chacun peut avoir en gardant contact par quelques invitations à la maison pour partager les grâces que nous recevons de Dieu, et pourquoi pas en mangeant une galette tout en racontant ce que fut la visite des mages. La force de la mission ne peut être que la charité, l’amour offert à chacun. La mission n’est pas une organisation ni une façon de « faire Église » pour reprendre une expression des années 80. C’est pour cela que Jésus insiste fortement afin que nous nous aimions les uns les autres. Cette invitation à aimer est parfois banalisée dans le langage catholique or elle est fondamentale, car sans amour, tout ce que nous faisons ne sert à rien (cf. 1Co 13). Sur ce point aussi, interrogeons-nous : « Que pouvons-nous faire pour mieux nous aimer au sein de nos communautés ? »

Ainsi, je vous souhaite d’aller vers les autres, de sortir des murs, de ne pas attendre le client derrière un comptoir ou un bureau d’accueil. Osons la rencontre au nom de Jésus, pas seulement une rencontre certes sympathique mais où l’on ne dit rien de la foi qui nous anime, mais une relation profonde car elle manifeste l’amour que Jésus nous donne et auquel nous répondons, une occasion de prier avec ceux qui nous partagent leurs soucis et leurs peines.

Je vous souhaite une très belle année 2022. Osons vivre à plein, ouvrons les portes de nos églises, sortons sur les parvis, allons fréquenter les agoras du monde, accueillons largement ceux que l’Esprit mettra sur nos chemins, aux portes des écoles, dans les familles. Il est merveilleux d’avoir la foi en cette rentrée d’année, de savoir que la lumière de l’étoile est toujours là et qu’elle nous guidera. N’est-ce pas la Vierge Marie à qui est donné ce titre dès la chrétienté primitive « étoile du matin » ? Notre-Dame est là et veille sur nous. Sortons notre chapelet du tiroir pour l’avoir en poche et le prier dès que possible au long des jours, ainsi nous serons reliés à la sainte Famille, ainsi nous serons gardés en paix même face aux vicissitudes de la vie.

Au terme de ce message, je reprends la conclusion du pape François dans son message pour la paix donné le 1 janvier 2022 :

« Aux gouvernants et à tous ceux qui ont des responsabilités politiques et sociales, aux pasteurs et aux animateurs des communautés ecclésiales, ainsi qu’à tous les hommes et femmes de bonne volonté, je lance un appel pour que nous marchions ensemble dans ces trois voies : le dialogue entre les générations, l’éducation et le travail ; avec courage et créativité. Et que soient de plus en plus nombreux ceux qui, sans faire de bruit, avec humilité et ténacité, se font jour après jour des artisans de paix. Et que la Bénédiction du Dieu de la paix les précède et les accompagne toujours. »

Avec lui et pour ses intentions, confions-nous à Dieu notre Père :

Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.

Amen