Dimanche dernier, me rendant à Nogent-le-Rotrou pour installer le père de Tilly comme curé, la commune du Perche était partiellement interdite aux voitures à cause du marathon. Il est merveilleux de voir ces athlètes capables de courir quarante-deux kilomètres. Notre corps est un prodige, mieux qu’une machine, dont nous prenons soin en bénissant Dieu notre créateur. Mon corps me permet d’aimer, de parler à l’être aimé, de l’écouter, de le voir et de l’approcher. Ce corps, le mien, si précieux, est unique jusque dans chaque cellule. La course à pied est un bon sport pour prendre soin de son corps. Mais je ne pus m’empêcher de penser que ces gens ne seraient pas présents à la messe dominicale, alors qu’ils sont nombreux à être baptisés. Qui parmi eux a le goût de Dieu ? Qui le met à la première place dans sa vie ? Qui connaît Jésus ? Qui le recherche ? On raconte cette histoire : « Un rabbin regardait deux enfants jouer à cache-cache. Alors que l’un d’eux, son petit-fils, avait trouvé une bonne cachette, l’autre se lassa de le chercher et partit rejoindre les grandes personnes. Le petit-fils attendit longtemps dans sa cachette puis vint voir son grand-père et se mit à pleurer : « ce n’est pas drôle, mon ami ne veut pas me chercher ». Son grand-père se mit à pleurer aussi et lui dit : « eh bien tu vois, mon enfant, ça c’est l’histoire de Dieu. Et Dieu pleure aussi parce qu’Il est caché et nous ne daignons pas Le chercher. » À l’instar de la bien-aimée du Cantique des cantiques qui murmure « j’ai cherché celui que mon âme désire ; je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé » (Ct 3,1), notre âme n’est-elle pas esseulée tant que nous n’avons pas trouvé le Seigneur ? Une femme, consommatrice de drogues dures avouait qu’une tristesse permanente habitait son être avant qu’elle ne soit saisie par une expérience extraordinaire d’amour qu’elle découvre être la présence de Jésus.

Certains cherchent vraiment Dieu. Ils consacrent leur vie à cette recherche. On pourrait les désigner comme fous de Dieu, or ils sont amoureux de Lui au point de lui donner toute leur vie, corps et âme. « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. » (Ps 62,2) Cette recherche ouvre une fenêtre vers le Ciel comme le vent écarte les nuages pour qu’un rayon de lumière vienne illuminer la terre. Le psalmiste est un adorateur de Dieu. Sa vie au cœur de son travail agricole est reliée au Seigneur. Il croit en Dieu et il aime méditer la Parole divine. Il place sa foi au-dessus de toute chose matérielle. Il parle à Dieu et confesse : « Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. » (Ps 62,3) La vie des moines est destinée à la prière contemplative. S’ils travaillent de leurs mains, c’est pour subvenir aux besoins de leur abbaye mais leur journée est orientée vers l’unique but, l’adoration du Dieu Trinité.

Ce 1er octobre c’est la fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, carmélite à Lisieux au XIXe siècle. Cette jeune femme, décédée à 24 ans, fut déclarée sainte patronne des missions dès 1927. N’est-ce pas extraordinaire alors qu’elle vécut dans un couvent en Normandie ? Fille de Louis et Zélie Martin, eux-mêmes canonisés en 2015 par le pape François, elle était l’enfant chéri de son père, horloger à Lisieux, aimée d’une maman si tendre qui dirigeait une entreprise de dentelles et qui fut emportée par un cancer du sein quand Thérèse avait quatre ans et demi. Quatre enfants de la fratrie moururent en bas âge. Cinq filles chez les Martin embrassèrent la vie religieuse, soutenue par la prière profonde de leurs parents – ils allaient à la messe chaque matin – et l’amour de Jésus-Christ que la famille vivait avec une foi joyeuse et sérieuse. La Vierge Marie était très présente et Thérèse la prendra comme mère, notamment après une guérison obtenue. Thérèse audacieuse interpela le pape Léon XIII à Rome pour qu’il l’autorise à rentrer vite au Carmel. Finalement, c’est à quinze ans que s’ouvrit pour elle la porte du monastère de Lisieux. Sa vie fut celle de toute religieuse, elle s’acquittait des tâches simples du couvent, souriant à chacune en manifestant, par amour de Jésus, son désir de sainteté. Elle disait : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres. ». Elle composait des poésies, des pièces de théâtre, écrivait des lettres à ses proches et à des prêtres. Elle voulait être missionnaire, martyre, prêtre, prophète et en lisant l’épître de saint Paul aux Corinthiens, elle découvrit que sa vocation, c’est l’Amour ! Elle écrit : « Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux. En un mot qu’il est Éternel. » Cependant elle attrapa la tuberculose, supporta les affres de la douleur avec courage, écrivit à la demande de sa supérieure qui était sa grande sœur son Histoire d’une âme. Agonisante, Thérèse s’offre pour le salut des hommes et dit : « Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. »

Une telle folie de l’amour motive aujourd’hui tant de jeunes gens, filles et garçons. Le récit merveilleux de la vie de Thérèse de Lisieux, modèle de vie spirituelle, sera publié après son départ au Ciel et deviendra le témoignage de sa sainteté. Il en sera édité plus de cinq cents millions d’exemplaires. L’Église découvrira la beauté spirituelle de cette religieuse jusqu’alors inconnue qui inspirera tant de personnes, comme le bienheureux père Daniel Brottier, promoteur de l’œuvre des Orphelins apprentis d’Auteuil, dont la survie à quatre années de guerre dans les tranchées de Verdun était due à la petite sainte à qui son évêque l’avait confié en écrivant au dos d’une image placée dans son bréviaire « Petite Thérèse, gardez-moi mon père Brottier. »

Reconnue comme docteur de l’Église en 1997, Thérèse nous offre la « petite voie ». En effet, ses grands désirs se heurtent à ses limites et à sa petitesse. En lisant la Bible, elle trouve des réponses à sa soif : « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi ! » (Pv 4,9) et encore « comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux. » (Is 66,12-13) C’est alors que naît l’idée de l’ascenseur dont les nouveaux immeubles sont dotés. Jésus, pense-t-elle, « tes bras seront mon ascenseur pour monter vers toi ». Elle voit que seule elle n’a pas la force. La « petite voie » est celle de l’enfant qui, mettant toute sa confiance en Jésus, comprend que c’est Lui qui nous attire et nous prend sur son cœur si nous nous laissons saisir. Elle apprend à demeurer petite, « comme un enfant » pour avancer à pas de géant sur le chemin de la perfection. Sa petitesse ne l’afflige plus car dorénavant elle goûte à cette joie merveilleuse de la confiance en Jésus.

Quelle église n’a pas sa statue de la « petite Thérèse » ? Alors que nous lançons une nouvelle année scolaire et missionnaire, conscients que nos contemporains ont pour beaucoup abjuré leur foi, mais aussi que l’Église par les graves péchés de certains clercs et laïcs a blessé de nombreuses personnes, nous relevons la tête pour entrer plus encore en contemplation, dans l’adoration et la prière, afin de recevoir de manière nouvelle notre appel à vivre en disciple. Nous recevrons d’ici quelques jours le rapport sur les abus sexuels commis dans l’Église depuis 1950, fruit du travail de la CIASE, commission indépendante coordonnée par Monsieur Sauvé que l’épiscopat français a missionné pour entendre les témoignages de victimes. Les faits sont désastreux et les conséquences graves. Des fautes de jugement ont été commises. Aujourd’hui, nous demandons pardon à toutes les personnes pour le mal et la souffrance endurés. Avec elles nous recherchons un chemin fraternel de vie et de foi. Si la grande majorité des catholiques n’ont pas commis d’abus, aujourd’hui, tout le corps de l’Église, c’est-à-dire nous tous, est responsable du soutien à apporter aux personnes blessées. Par l’entraide et par notre union à Jésus-Christ, dans la simplicité de la petite voie de Thérèse, nous comprendrons combien Dieu fait miséricorde et alors nous serons entraînés à en être témoins les uns pour les autres.

Chers amis, offrons-nous avec la Vierge Marie à Jésus, dans les liturgies que nous vivons dans un don plénier, à l’écoute des murmures intérieurs de l’Esprit, en sacrifice pour le salut des hommes. Regardons sainte Thérèse qui nous est donnée comme maîtresse de vie et d’amour. Aujourd’hui, plus que jamais, Thérèse nous encourage pour la mission vécue comme un jaillissement de l’amour de Jésus pour chacun. Si elle est la sainte patronne des missions, c’est parce qu’elle désirait porter le feu de Dieu au loin, jusqu’en Indochine !

Aussi, je vous propose de prier avec elle en reprenant une prière qu’elle écrivit en ce sens à Jésus, son Bien-Aimé :

« Rappelle-toi de la très douce Flamme
Que tu voulais allumer dans les cœurs.
Ce Feu du Ciel, tu l’as mis en mon âme,
Je veux aussi répandre ses ardeurs.
Une faible étincelle, ô mystère de vie
Suffit pour allumer un immense incendie.
Que je veux, ô mon Dieu,
Porter au loin ton Feu ! »
(Poésie de Thérèse « Jésus mon Bien-Aimé, rappelle-toi !… »)

+ Mgr Philippe Christory