Message de Mgr Christory :

Le rapport Sauvé, dont les conclusions sont accablantes et révèlent de terribles souffrances, soulève une question grave : un cas d’abus sexuel sur mineurs entendu dans une confession sacramentelle autorise-t-il le clerc à lever le secret de confession ? Jésus a promis que celui qui sera pardonné sur la terre par le ministère des apôtres le sera au Ciel. L’Église dans sa Tradition a élaboré la forme du sacrement de réconciliation… la confession individuelle s’est imposée afin que chaque fidèle, dans le secret du cœur à cœur, puisse dire librement tout son péché et ainsi recevoir le pardon. Ce secret est strict pour l’Église et le droit canonique, pour permettre au pénitent de tout avouer, prévoit l’excommunication du prêtre qui révélerait le contenu de la confession. Sans secret de confession, le pénitent oserait-il confesser un abus sexuel sur des enfants ? … Dans ce sacrement, le prêtre n’est pas un psychologue ou un juge civil, mais il est là pour que la personne comprenne la gravité de ses actes, en éprouve une réelle contrition, avec ce que cela peut induire de réparation et d’encouragement même à se dénoncer si un crime a été commis. Le prêtre est là pour prier avec lui et lui permettre de faire l’expérience de la miséricorde de Dieu. Il ne peut se substituer à un juge civil ou à un policier. Le pénitent, en théorie, a le droit de se confesser sans être reconnu et anonymement : c’est pour cela que certains confessionnaux comprennent une cloison. En aucun cas le prêtre ne peut demander l’identité ou les coordonnées de la personne. Un film magnifique d’Alfred Hitchcock, La loi du silence, met en scène l’obligation de ne rien révéler de la confession…

Le prêtre peut alors encourager le pénitent à parler pour faire la vérité pour que justice soit faite et être aidé. Le rapport Sauvé, s’il pose la question du secret de confession, doit inciter l’État et les associations ecclésiales à collaborer afin que la parole soit rendue possible, tant pour les agresseurs que pour les victimes agressées.

C’est à ces dernières, à toutes les victimes que nous devons, en premier, penser après la lecture de ce rapport consternant. Je désire redire notre profonde, réelle et totale compassion pour les victimes. Rien, absolument rien ne peut justifier les actes commis, la compromission, le mensonge, l’effroyable système qui a permis aux agresseurs de rester impunis et a ainsi entraîné la multiplication des agressions. Nous devons, au sein de l’Église, mais aussi au sein de la société et en particulier dans les familles, tout mettre en œuvre pour que de tels drames ne se produisent plus. L’Église doit être une maison sûre. Le foyer familial doit être un lieu sûr. L’École doit être un endroit sûr. Nos enfants doivent absolument être protégés. Je compte sur chacun de nous consacrés comme laïcs pour marcher ensemble sur ce chemin de vérité et réfléchir à la mise en œuvre des recommandations que nous avons reçues.

Le rapport Sauvé, qui soulève à juste titre colère, indignation et dégoût pourrait nous conduire à l’un des péchés les plus graves : la désespérance. Et notamment la désespérance pour le clergé. Mais qu’est-ce qu’un prêtre ? Le pape Saint Jean-Paul II a écrit dans son exhortation apostolique Pastores dabo vobis (Je vous donnerai des pasteurs) : « Les prêtres sont appelés à prolonger la présence du Christ, unique et souverain Pasteur, en retrouvant son style de vie et en se rendant en quelque sorte transparents à lui au milieu du troupeau qui leur est confié. » … Être prêtre est une vocation particulière, vécue dans le célibat pour le Royaume, au service de l’Église. Ce mot serviteur est important pour rappeler que le prêtre donne sa vie pour les fidèles, mais qu’en aucun cas il ne s’agit de les dominer, de « mettre la main sur eux ». D’après le rapport Sauvé, 113000 prêtres ont été fidèles à leur sacerdoce et ont répondu à leur vocation en servant leurs frères et sœurs. Ils leur ont donné leur temps, leur conseil, leur écoute. Dans le secret, ils ont prié pour tous ceux qui venaient confier un drame, un besoin, un décès. Souvent ils furent des modèles de bonté et de bienveillance. Ils ont écouté les personnes endeuillées, souffrantes, malades ou esseulées. Si certains ont quitté le ministère surtout dans les années 1970, la plupart ont persévéré en de multiples missions…Même âgés, au-delà de leur retraite, ils ont continué à servir. Ne l’oublions pas. Que le péché, si grave, de certains ne jettent pas le voile sur le service si beau des autres. (…)

En France ce sont 113000 prêtres qui depuis 1950 témoignent du Christ ressuscité, le célèbrent et vous donnent son précieux corps dans l’Eucharistie. Collaborateurs des évêques, ils participent à la charge de sanctification, d’enseignement et de gouvernement, avec leurs frères et sœurs consacrés dans le célibat ou laïcs, au sein de l’Église que nous aimons, ce corps vivant constitué par tous les baptisés, tous pauvres pécheurs pardonnés par grâce, ce dont ils vous témoignent. Encore nous faut-il ajouter que ce grave péché de certains clercs et laïcs rappelle à tous notre condition humaine fragile et l’urgence d’une profonde conversion de nos vies, de nos actes et de nos paroles. Chacun de nous, nous devons discerner dans la lumière de l’Esprit la part de ténèbres qui demeure tapie dans l’ombre.

Évêque depuis trois années et demi, je remercie mes frères prêtres de leur collaboration généreuse pour notre mission commune, annoncer un Royaume de paix et d’amour, maintenant et pour l’éternité. Que chacun d’eux soit béni et que des jeunes hommes reçoivent ce même appel avec un cœur joyeux. Je ne regrette pas le choix de ma vocation sacerdotale. Elle m’a conduit à vous et sans elle, nous serions restés des étrangers, or maintenant nous sommes frères et sœurs dans ce diocèse de Chartres. Que Dieu soit béni.

+ Mgr Philippe Christory