Ce vendredi 25 mars, le pape François a demandé qu’à 17h, en toutes les cathédrales du monde ait lieu une prière pour la paix en Ukraine et en tout lieu où la paix est menacée. Ce jour-là, en la fête de l’Annonciation, le pape François consacrera l’Ukraine et la Russie au Cœur Immaculée de la Vierge Marie. À Chartres, nous serons auprès de Notre-Dame, à proximité de la relique du voile de Marie. Ce voile n’est-il pas le signe merveilleux de la protection de Marie, Notre-Dame du Perpétuel Secours ? Je vous parlais de la visite que fit le Métropolite Hilarion, bras droit du Patriarche Kirill de l’Église Orthodoxe russe, le 14 février dernier, soit quelques jours avant le commencement de la guerre, pour prier devant la précieuse relique. Depuis, j’ai pu lui écrire pour exprimer combien dans notre diocèse, nous prions pour la paix. Avec gratitude et beaucoup d’amabilité, il me retourna une longue lettre en russe et heureusement traduite en français. Voici quelques mots de son message : « Dans le contexte actuel, l’aide aux réfugiés et à toutes les victimes des opérations militaires revêt une importance capitale. Le Patriarcat de Moscou, l’Église orthodoxe ukrainienne, qui en fait partie, et les structures de l’Église catholique romaine s’y consacrent. J’espère que ces travaux seront poursuivis par la suite. Il importe aussi de continuer notre patient travail quotidien, dont l’objectif est de tout faire pour que les négociations directes déjà entamées se poursuivent, et donnent des résultats dans les meilleurs délais, et pour que les rapports entre l’Occident et l’Orient de notre monde conservent tout leur potentiel de dialogue. Que le Seigneur préserve et sauve les peuples de Russie, d’Ukraine et de toute l’Europe, que la Très Sainte Mère de Dieu nous protège de tout mal sous son précieux voile ! »

Que veut dire consacrer un pays au cœur immaculé de Marie ? Au sein de l’Église catholique, nous consacrons régulièrement des lieux ou des objets : une chapelle, un autel, un calice. Cela signifie que ceux-ci revêtent une valeur spirituelle particulière et qu’ils sont dédiés au culte. Pour cela, des rituels prévoient des prières de consécration, accompagnées parfois par l’onction du saint chrême. Des personnes aussi font le choix de se consacrer au Seigneur. Cela fait d’elles des disciples qui mettent leur âme, leur esprit, leur corps au service du Christ dans son Église. Cela est vrai dans tous les états de vie : que l’on soit consacré dans le célibat pour le Royaume, marié ou célibataire, clerc ou laïc, l’on peut faire une démarche personnelle de consécration à Dieu. À la fin du Moyen-Âge, on consacrait des pays entiers à la Vierge Marie, comme ce fut le cas de la France en 1638 par la roi Louis XIII. Parler du cœur immaculé de Marie, c’est reconnaître la sainteté unique de la Vierge, qui sera confirmée en 1854 par le dogme de l’Immaculée Conception lui-même attesté en 1858 à Lourdes par la Vierge elle-même à sainte Bernadette. Avec les apparitions de Fatima en 1917, cette dévotion prend une réelle ampleur dans le monde entier. Aussi le choix du pape François est que les peuples de la Russie et de l’Ukraine soient enveloppés par cette consécration, qu’ils trouvent refuge auprès de la Sainte Mère de Dieu, qu’elle les protège de la violence et de la guerre. Nous nous rappelons que le pape Pie XII avait consacré le monde entier au cœur immaculé de Marie le 31 octobre 1942, en pleine guerre mondiale. Ici, le pape souhaite que l’ensemble de l’Église catholique prie la Vierge avec insistance et je me fais le relai de sa demande au sein de notre diocèse de Chartres : priez et jeûnez, autant que cela vous est possible, afin de fléchir notre Dieu de Miséricorde. Notre Espérance demeure grande car il y a des personnes de grande foi et de grande bonté qui désirent œuvrer en faveur de la paix. Le Christ est notre Paix.

Nous sommes à la mi-carême, et peut-être avons-nous besoin de faire halte pour regarder le chemin parcouru depuis le mercredi des cendres (le 2 février) et reprendre notre élan pour la suite ? Depuis cette entrée, la vie publique a été tellement perturbée par l’entrée en guerre de la Russie que nos craintes ont pu nous détourner de notre bon chemin de conversion. Où en suis-je dans mon attachement au Christ ? Il faut rappeler que la vie spirituelle chrétienne est un chemin vers Dieu le Père, qui passe obligatoirement par Jésus-Christ, son fils fait homme. Ainsi, il n’est de prière chrétienne que celle faite « dans le nom » de Jésus. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » dit-il (Jn 15, 5), et « personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 6). Nous pourrions être attirés par les propositions de yoga ou de méditation qui permettent certes de goûter le silence et le calme, de retrouver même une juste relation à son corps et à la nature, mais qui ne conduisent pas à Dieu. Ces techniques de recherche de paix peuvent aider à nous arrêter mais elles ne sont rien comparativement à notre prière qui ouvre une relation personnelle et amoureuse avec notre Dieu créateur et source de vie. En égrenant les mystères de la vie de Jésus, en présence de Marie, nous écoutons le Saint Esprit qui nous conduit à rencontrer Dieu et à l’écouter nous murmurer ses mots d’amour, à nous inspirer une sagesse que nul ne pourra nous ôter. Par le fait de l’Incarnation, Jésus montre que la vie humaine, simple et laborieuse, est vraiment l’espace de notre relation avec le Seigneur, que chacun de nous peut faire de chaque moment un instant de dialogue intérieur pour confier un proche malade, l’avenir d’un fils, le bonheur d’une fille fiancée, un parent âgé en souffrance, un projet professionnel, des amis qui ne croient pas. Ce sont ces « flashs » spirituels orientés vers Dieu, que l’on appelle les prières jaculatoires, qui sont adressés au Ciel tels des actes de foi et de charité. Ces prières rejoignent le cœur du Père du Ciel comme portées, telle la flamme olympique, par tous les saints et les saintes de Dieu qui nous sont solidaires et voient la face de Dieu à qui ils parlent de nos besoins véritables.

Le nom de Jésus est tellement précieux ! N’est-ce pas un ange que le Seigneur envoie pour demander à saint Joseph (cf. Mt 1,21) de donner à l’enfant de Marie le beau nom de Jésus, c’est-à-dire « Dieu sauve ». En réalité, dans les traditions du peuple juif, le sens du nom ou du prénom importait beaucoup, car il indiquait par quelle grâce cette personne était advenue, ou en vue de quel but elle existait. Jésus allait sauver toute l’humanité, son nom l’attestant, même si le mode était inconnu pour ses parents. Aujourd’hui, nous pouvons prier Jésus simplement par la répétition continue de son nom « Jésus, Jésus, Jésus… » Car la sainte Écriture dit « en nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver » (Act 4, 12). En ces jours de carême, nous pourrions reprendre la prière du pèlerin russe, brève dans sa formulation, qui est répétée inlassablement par les moines orthodoxes, associée à la respiration physique du pèlerin, tel un murmure intérieur qui résonne dans le cœur et l’esprit : « Jésus, Christ, Fils de Dieu, Seigneur, aie pitié de nous, pécheurs. » On peut se souvenir du cri de l’aveugle Bartimée à la porte de Jéricho qui interpelle ainsi Jésus : « Aie pitié de moi ! » Peu à peu, par ce lien intérieur, s’élabore une relation consciente de la présence de Jésus qui a promis d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin, et notre foi grandit pour qu’en chaque chose, nous fassions confiance.

Avançons ensemble, particulièrement au sein de nos familles. Un soir, j’ai eu la grande joie de prier un chapelet avec une famille et tous leurs enfants adolescents, quelques bougies éclairant dans l’obscurité la statue de Marie. Ce fut un moment de grâce. Persévérons. Ce prochain dimanche est appelé dimanche de lætare, donc de la louange car nous chantons « Laetare Jerusalem: et conventum facite omnes qui diligitis eam : gaudete cum laetitia,… » (Is 66, 10-11) qui est traduit par : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire ». Ce dimanche apporte une promesse de merveilles, de bienfaits et de bonnes nourritures. Réalisons nous-mêmes cette prophétie par notre bienveillance. Offrons la joie du salut par notre témoignage. Bonne suite de carême jusqu’aux Rameaux, le dimanche 10 avril.

Voici un extrait d’une prière que le pape François prononça à l’audience du 16 mars :

Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs !
Seigneur Jésus, né sous les bombes de Kiev, aie pitié de nous !
Pardonne-nous, Seigneur, si, non contents des clous avec lesquels nous avons percé ta main, nous continuons à boire le sang des morts déchirés par les armes.
Pardonne-nous, Seigneur, si ces mains, que tu as créées pour garder, sont devenues des instruments de mort.
Pardonne-nous, Seigneur, si nous continuons à justifier la cruauté par notre fatigue, si par notre douleur nous légitimons la cruauté de nos actes.
Pardonne-nous la guerre, Seigneur.
Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, nous t’implorons !
Éclaire notre conscience, que notre volonté ne soit pas faite.
Ne nous abandonne pas à nos propres actions ! Arrête-nous, Seigneur, arrête-nous !
Ô Seigneur, arrête la violence ! Arrête-nous, Seigneur !

+ Mgr Philippe Christory