La foi en Jésus-Christ nous rend frère et sœur de toute personne. C’est le mot catholique qui veut dire universel qui ouvre à cette réalité voulue par le Seigneur. Tous les hommes sont créés par lui, aimés de lui, soutenus par la force du Saint Esprit. Par la grâce de Dieu, nous sommes reliés les uns aux autres. Notre religion affirme la juste autonomie des humains et notre liberté personnelle comme notre interdépendance qui oblige à vivre toujours une authentique solidarité. « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 15, 12) dit Jésus. Une merveilleuse façon d’aimer est de prier pour les autres, tous les autres, même « ceux qui nous persécutent » (cf. Mt 5, 4), et d’espérer pour eux du bien et non pas du mal.
Depuis les deux derniers messages, je vous ai introduits à la prière des heures, celle que propose le bréviaire. Les psaumes qui constituent la partie importante de ces offices nous permettent de puiser dans le trésor de la prière juive. S’ajoute dans la dernière partie des laudes du matin et des vêpres du soir une prière d’intercession. Si les psaumes sont souvent une louange au Seigneur, l’intercession est de l’ordre de la demande. Nous présentons au Seigneur Jésus des personnes et des situations pour lesquelles nous implorons son aide et son intervention. En effet, c’est Jésus qui est le véritable intercesseur auprès du Père dans sa Gloire. Jésus siège sur le trône de l’agneau, il est celui qui s’est offert dans sa passion pour nous racheter de tous péchés, et maintenant il accueille nos prières pour les présenter à Dieu le Père. Les saints sont nos amis célestes dont la vocation est de louer Dieu comme de soutenir nos justes demandes.
La prière de demande est légitime, puisque Jésus a dit : « demandez et vous recevrez, frappez et l’on vous ouvrira » (Mt 7, 7). Dans un autre passage des évangiles, Jésus reproche même aux disciples de ne pas le faire assez : « jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom » (Jn 16, 24) et il affirme « demandez, et vous recevrez : ainsi votre joie sera parfaite. » Il est probable que nous n’osons pas demander. Peut-être pensons-nous que nos besoins sont insignifiants devant les grandes causes sociales et les maux qui frappent des populations impuissantes comme les catastrophes naturelles qui font perdre maisons, champs et ateliers, ou même vies humaines. Nous imaginons que le Seigneur est occupé ailleurs et nous ne voulons pas le déranger. Pourtant ne nous a-t-il pas dit de demander avec foi ? Aucune situation ne lui est indifférente. Il voit notre amour et comment nous le lui manifestons.
Il y a une autre raison pour nous lasser de demander, c’est le sentiment que c’est inutile, que nous avons si souvent demandé des grâces qui ne viennent pas. Oui, nous prions de tout notre cœur pour des malades qui ne guérissent pas, pour obtenir un travail qui n’arrive pas, pour recevoir quelque chose et c’est en vain. Ce constat, qui ne l’a pas fait ? La foi est parfois nue et elle est éprouvée par le silence de Dieu. Le peuple hébreu en faisait parfois l’expérience et disait « Maintenant, tu nous humilies, tu nous rejettes, tu ne sors plus avec nos armées. […] Pourquoi détourner ta face, oublier notre malheur, notre misère ? » (Ps 44) Pour reprendre l’image biblique, notre foi est éprouvée comme le fondeur fait fondre l’or pour en ôter toutes les impuretés. Ainsi la parole de Jésus qui nous dit de prier sans cesse nous transperce comme un glaive. Avons-nous suffisamment la foi ? Jésus n’a-t-il pas dit « si vous aviez la foi grosse comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne de se jeter dans la mer et elle le ferait ! » (Lc 17, 6) C’est pourquoi, à la suite des apôtres, nous demandons à Jésus de nous donner la foi. C’est là une excellente prière. « Oui, Seigneur, donne-moi la foi qui ne vacille pas face aux difficultés ! »
À cela, Jésus répond « c’est pourquoi, je vous le dis : tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l’avez obtenu, et cela vous sera accordé. » (Mc 11, 24) Cela nous paraît bien étrange. Et il ajoute une parole déroutante : « si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 13) Ainsi, Jésus introduit au don du Père et à sa propre promesse : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. » (Jn 16, 13) Cette vérité, quelle est-elle ? C’est que Jésus est venu pour que nous soyons sauvés de la mort et que nous ayons la vie en abondance. Aussi est-il dit : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33) Quand nous constatons que notre demande n’est pas suivie de fruit immédiat, nous interrogeons-nous sur l’objet de notre demande ? Recherchons-nous l’essentiel, c’est-à-dire le Saint Esprit ? Car le but de la vie chrétienne, c’est l’acquisition du Saint Esprit. C’est possiblement pour cette raison que Jésus dit aux disciples « vous n’avez encore rien demandé ! » Certes ils le suppliaient pour la guérison de leurs malades, mais lui les ouvrait au don supérieur qui est l’union au Père, dès maintenant avant qu’elle ne se réalise pleinement dans l’éternité.
Ainsi, lorsque nous intercédons, nous n’informons pas Dieu sur nos attentes, car Il connaît toutes choses, mais nous lui exprimons notre confiance en la puissance de sa grâce. Peu à peu, nous nous décentrons de nous-mêmes pour que notre prière se fasse universelle. Ce matin, aux laudes, la dernière formule de l’intercession dit : « Jésus, humilié par les hommes, sauvé par Dieu, sois la joie et la fête des pauvres. » Ici encore, nous pouvons imaginer tous les besoins des pauvres : un logement décent, de la nourriture, les premières nécessités, et surtout le respect de leur dignité. Mais la vraie richesse est la rencontre de l’amour que Jésus communique et sa parole qui nous éclaire sur nos chemins. Alors toutes nos intercessions sont comme contenues dans la formule du Notre-Père : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » Si pour certains, et pour près de 800 millions de personnes il s’agit bien de nourriture physique qui fait gravement défaut, le pain que nous espérons c’est l’eucharistie, le pain des anges, le corps de Jésus offert par lui en sacrifice qui nous communique sa propre vie. Car si nous mangeons de ce pain, nous aurons la vie éternelle, comme il l’a promis. Quel bien serait supérieur au viatique qui nous promet d’être bientôt, avec lui, dans la Gloire ?
Aussi, continuons à lui adresser nos justes demandes avec foi, en espérant de Dieu le meilleur, en lui redisant « que ta volonté soit faite sur terre comme au Ciel » (Mt 6, 10). Ô Seigneur, ce que nous attendons de toi, c’est ton pardon et ton amour. Oui, « pardonne-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12). Ainsi trouverons-nous la paix et la joie du cœur pour aller vers les personnes dans le besoin et leur manifester notre fraternité.
Chers amis, nous avons tant de personnes pour qui prier et demander l’aide de Dieu. Puissent ces personnes rencontrer en profondeur l’amour du Seigneur et être soutenues par son Saint Esprit. Aussi, je vous invite à invoquer l’Esprit de Dieu par ce chant que vous pouvez chanter souvent :
Viens, Esprit de sainteté,
Viens, Esprit de lumière,
Viens, Esprit de feu,
Viens nous embraser.
- Viens, Esprit du Père, sois la lumière
Fais jaillir des cieux ta splendeur de gloire. - Viens, onction céleste, source d’eau vive,
Affermis nos cœurs et guéris nos corps. - Esprit d’allégresse, joie de l’Église,
Fais jaillir des cœurs le chant de l’Agneau. - Fais-nous reconnaître l’amour du Père,
Et révèle-nous la face du Christ. - Feu qui illumine, souffle de Vie,
Par toi resplendit la croix du Seigneur. - Témoin véridique, tu nous entraînes
À proclamer : Christ est ressuscité !
+ Mgr Philippe Christory